Après la collecte des espèces souterraines, le travail de tri et d’identification des spécimens, l’heure est venue de vous présenter mes découvertes !
Le projet a permis des progrès très significatifs dans notre connaissance de la faune souterraine régionale, qui s’enrichit ainsi de plusieurs espèces nouvelles pour la région et même pour la science. Il en est de même pour la faune des milieux de surface, échantillonnée en parallèle.
Les habitats échantillonnés
Les collectes ont été réalisées dans 8 grandes catégories d’habitats, chacun comprenant des communautés vivantes qui lui sont particulières :
- Les habitats souterrains comprennent les accumulations de guano, les zones oligotrophiques des grottes (à faibles ressources nutritives), les habitats aquatiques interstitiels et les habitats aquatiques d’eaux libres.
En outre, à l’interface habitats de surface-habitats terrestres, les sols ont été activement échantillonnés; leurs espèces, de petites tailles, aveugles et dépigmentées, se retrouvent souvent en grottes à la faveur de coulées de terres ou dans des racines pendantes.
- Les habitats de surface, dont l’échantillonnage a été accessoire dans le cadre de ce projet, sont les habitats épigés (végétation basse), les litières forestières et les litières de milieux ouverts.
Les habitats terrestres souterrains
- Le guano
Le guano de chauve souris offre un milieu très particulier du fait sa teneur en matières organiques et de son intense activité biologique due essentiellement à la prolifération de champignons microscopiques. Il est peuplé de nombreuses espèces d’invertébrés, dont beaucoup ont des morphologies assez similaires aux espèces de surface (oculées et pigmentées). Les unes ne sont pas identifiables par manque de spécialistes (acariens) ou méconnaissance taxonomique (larves d’insectes). Les autres, en cours d’identification, comprennent des insectes adultes (surtout mouches et coléoptères), des collemboles et des pseudoscorpions. Une quinzaine d’espèces peuvent être qualifiées de guanobies dans le Quercy. Parmi elles figurent plusieurs espèces endémiques, mais également des formes à vaste répartition en Europe, sans doute disséminées par les chauves-souris (phorésie pour les pseudoscorpions) ou par des mécanismes que nous ignorons (par exemple, le collembole Mesogastrura ojcoviensis).
Pseudosinella dodecophthalma (1,5 mm), collembole guanobie fréquent dans les grottes du Quercy, endémique de la région. De rares spécimens ont été retrouvés en extérieur dans des litières et des sols frais au cours du projet. Photo Marko Lukic, 2015
- Les milieux oligotrophiques terrestres
Les milieux oligotrophiques abritent les espèces les plus strictement liées au milieu souterrain (troglobies) et les plus modifiées morphologiquement (perte des yeux et du pigment, et souvent élongation des appendices par rapport aux formes de surface). Les grottes du Quercy abritent 15 à 17 espèces troglobies, deux étant peut-être en réalité des formes du sol profond. La majorité d’entre elles sont des endémiques régionales qui ne se retrouvent pas dans les grottes des régions avoisinantes. Au moins deux d’entre elles sont nouvelles pour la science.
Rhagidia (Deharvengiella) cf. paralleloseta (1 mm), rare acarien confinée aux milieux oligotrophiques des grottes du Quercy, décrit du gouffre de l’Oule en 2011. Exemplaire trouvé en 2014 aux igues d’Aujol. Photo Marko Lukic, 2015.
Oritoniscus vandeli (3 mm), « cloporte » troglobie très abondant dans les grottes du Quercy, plus rarement dans des milieux froids et obscurs en extérieur. Photo Marko Lukic, 2015.
Schaefferia cf. subcoeca (1 mm), très rare collembole connu du Quercy et d’une station des Pyrénées, qui pullule au gouffre de l’Oule, mais n’a curieusement jamais été collecté dans d’autres cavités de la région. Spécimens flottant sur une flaque (les plus grands), photo Marko Lukic, 2015.
Arrhopalites cf. pygmaeus (1 mm), collembole parthénogénétique (absence de mâles) largement distribué en Europe. La forme des grottes du Quercy, fréquente mais confinée aux milieu souterrain à de rares exceptions près (sol en fond de doline), est en cours de caractérisation, Photo Marko Lukic, 2015.
Oncopodura cf. pelissiei (moins de 1 mm), rare collembole des milieux oligotrophiques des grottes du Quercy, décrit du gouffre de l’Oule et retrouvé lors du projet dans 2 autres cavités.
Les espèces présentes dans les habitats de surfaces
D’assez nombreuses espèces des grottes du Quercy sont aussi présentes en surface ou dans les sols. Les unes forment des populations stables dans les grottes (comme le Collembole Heteromurus nitidus). Les autres y passent une partie de leur cycle, souvent dans les zones d’entrée (comme le papillon Scoliopteryx libatrix). Ces espèces dites troglophiles ont généralement une large distribution en Europe, et leur intérêt patrimonial est limité.
Holoscotolemon querilhaci (4 mm), opilion endémique de l’ouest de la France, fréquent en grottes et dans les milieux humides du Quercy. Photo Marko Lukic, 2015.
Heteromurus nitidus (2 mm), un collemboles troglophile fréquent dans les grottes du Quercy, dans des microhabitats riches en ressources nutritives (débris organiques ou guano). L’espèce se retrouve entre autre dans les jardins urbains. Photo Marko Lukic, 2015.
Enfin, des centaines d’espèces terrestres les grottes du Quercy y ont été entrainées passivement ou accidentellement. Elles sont particulièrement nombreuses dans les cavités –pertes, amenées par les crues des ruisseaux exogènes (comme à la grotte de Roque de Cor).
Dans le prochain épisode : la présentation des espèces aquatiques récoltées
Le projet porté par le Parc naturel régional des Causses du Quercy, avec le soutien de l’Agence de l’Eau Adour-Garonne, associe les spéléologues du CDS 46 et une équipe de l’Institut de Systématique, Evolution et Biodiversité du Muséum national d’Histoire naturelle de Paris.
Contacts :
Sébastien Durand (Parc naturel régional des Causses du Quercy)
Louis Deharveng (Muséum national d’Histoire naturelle de Paris)
Guy Bariviera (Comité départemental de spéléologie du Lot)
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